mardi 7 décembre 2010

LA FIEVRE NEW-YORKAISE

        La fièvre New-yorkaise


Il y a des femmes et des hommes dans les rues
Et toutes les races sont présentes.
Je m'y sens chez moi surtout le long du souk de Brodway Avenue.
Je croise d'imposantes Mexicaines gavées de chili, de piment rouge, de guacamolé,
Me heurte à de belles noires en boubou ou mini,
Glisse entre deux Chinois aussi petits que moi,
Marchande une affreuse boule de neige abritant la statue de la Liberté à un Irlandais hirsute aux allures de hard-rocker,
Achète une brochette odoriférante à un Indien.
Je vis.
J'oublie la fatigue,
La détresse.
New-York est magique.
Cette veine coule dans mes veines,
Se dilue dans mon sang.
Elle est comme une amie,
Une femme elle-aussi qui peut me comprendre
Parce qu'elle connaît les chemins de l'exil.
Elle sait les races et les différences de culture;
Elle sait les pays que l'on n'oublie jamais,
Les gestes de là-bas,
Les coutumes renouvelées à des milliers de kilomètres,
Les souvenirs que l'on remâche dans le plus grand secret
Et aussi la mélancolie éternelle de l'enfance,
Cette patrie que l'on oublie jamais et les adultes ici se déplacent encore en patins en rollers même pour aller travailler.
New-York mélange thé anglais et café turc,
Autrement dit raffiné Earl Grey et profond et noir marc de café dans lequel on lira l'avenir,
Spaghettis avec riz-sauces, têtes de moutons d'Harlem et canards laqués de Chinatown.
Elle mêle les parfums, les goûts, les couleurs, les cris, les paroles.
Elle n'ignore rien des violences, du passé, du présent, des morts, des amours, des alcools, des musiques, des drogues, des religions, des fantasmes, des hallucinations de chacun de ses millions d'êtres
Jetés dans son grand corps tracé aux cordeaux.
Le temps presse avec elle car on voudrait tout vivre tout ressentir, tout savoir.
Ceci est impossible.
On s'y essaie quand même.
New-York est mystique.
Je m'y sens chez moi
Comme en une démesurée demeure sans toit, sans horizon.
Ici on peut faire le tour de la terre.
comment pourrais-je ne pas l'aimer?
New-York a la fièvre.
Sa température monte dans mon sang troublé.
On vit à New-York comme s'il était un amant, une maîtresse
Selon que l'on est femme ou homme.
Mais c'est aussi pour moi une compagne de route
Dans la solitude des pérégrinations.
Elle est simple et solide, fidèle à la mémoire.
Elle n'est pas ultra-sophistiquée;
Ceux qui le disent n'y ont jamais posé le pied.
Elle est aride et sauvage.
Elle ressemble à la France des années cinquante,
Question modernité.
Elle mêle le charme d'autres époques à la grande moisson des buildings
Qui sont comme des totems Vaudous, des statues longilignes, des fétiches de l'avenir,
Et ils ne font pas peur.
Ils impressionnent seulement et sont très beaux.
Dans leur désir de verticalité, ils caressent le ciel de leurs terrasses.
Ils sont en contact avec l'infini,
Branchés sur des terminaisons sidérales.
Ils nous font rêver.
Mais il y a aussi la terre, la vie végétale et Central Park est toujours là,
Jardin suspendu, Babylone de la Capitale,
Ou Olympe des sportifs.
Manhattan le raisonnable reste immuable,
Racine de l'arbre vertigineux New-York
Et ma sympathie va à lui car il y fait bon vivre.
Woody Allen y joue de la trompette de temps à autre et s'en sert de décor que je reconnais dans ses films.
J'ai aimé faire de la balançoire sur le portique des enfants de Madison Square,
L'Empire State Building rapetissant ou s'agrandissant au gré de mes ascensions dans les airs.
Que dirais-je de Greenwich Village,
Ce grouillant noeud de vies marginales
Où le blues coule à flots dans de splendides  éclats de voix rauques,
Dans des salles exigües, surchauffées, où l'on boit des téquilas pour trois fois rien?
J'écoute.
Je vibre.
La fièvre me possède,
La fièvre New-Yorkaise.
Je vis,
J'oublie la détresse,
La fatigue, les paupières somnolentes, les reins brisés, mon angoisse.
La fièvre de New-York m'enlève.
Je coule.
Je m'immerge.
Je glisse au profond de ses veines.
New-York est une amie
                                  Magnifique.

Laure Gerbaud. Tous droits réservés.

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